Les délégués syndicaux gagnent moins que leurs collègues
Les chefs d'entreprise chercheraient à décourager l'action syndicale plutôt qu'à acheter la paix sociale, indiquent les travaux d'un économiste.
Certains chefs d'entreprise feraient-ils payer aux délégués syndicaux leur manque de coopération lors de négociation d'accords ou de conventions collectives ? C'est en tout cas la conclusion de Thomas Breda, doctorant à l'Ecole d'économie de Paris. Selon son étude, les délégués syndicaux sont payés environ 10 % de moins que leurs collègues non syndiqués (à caractéristiques identiques : âge, sexe, ancienneté, temps de travail…) tandis que les salariés syndiqués mais non délégués auraient, eux, un salaire équivalent, voire un peu supérieur aux non-syndiqués. « En théorie, un employeur a le choix entre être tenté d'acheter la paix sociale en donnant des avantages aux délégués ou être tenté de menacer la carrière d'un délégué pour décourager l'action syndicale, explique l'économiste. En moyenne, le scénario qui l'emporte est le deuxième. »
Deux éléments lui permettent de penser que cet écart de salaire relève de la discrimination et ne sanctionne pas un manque de productivité du délégué, qui dispose légalement de décharges horaires et d'une protection particulière en matière de licenciement. Tout d'abord, l'économiste regarde les différentiels de salaires en fonction de l'ancienneté : « Si les "mauvais ouvriers" se protègent en devenant représentants syndicaux, nous devrions observer un différentiel de salaire au moment où ceux-ci sont élus. Or l'écart avec leurs collaborateurs ne s'observe que chez les délégués ayant une forte ancienneté. » Prenant la forme d'une baisse du taux de promotions et des augmentations de salaire pour les représentants, une discrimination ne peut se faire que dans le temps, souligne l'étude.
Instruments de défense
Autre élément plaidant pour une discrimination : les écarts de salaire divergent selon l'organisation syndicale que représente le délégué au sein de son entreprise. Un délégué syndical CGT serait payé 20 % de moins que ses collègues non syndiqués, alors que son homologue CFDT toucherait environ 10 % de moins et que celui de FO aurait un salaire identique. « Si les décharges horaires accordées aux délégués devaient expliquer les écarts de salaires, il ne devrait pas y avoir de distinction selon l'organisation syndicale, poursuit Thomas Breda. Les délégués CGT sont les plus sanctionnés alors que l'on observe aussi que ce sont ceux qui sont les plus combatifs pour négocier des augmentations de salaires dans leur entreprise », poursuit l'économiste. Et d'en conclure que « face au syndicalisme de lutte qu'incarne encore en partie la CGT aujourd'hui, les employeurs semblent donc disposer eux aussi d'instruments pour se défendre ».
FRÉDÉRIC SCHAEFFER, Les Echos
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